Nicolas Daubanes met « le feu aux poudres »

Francesca Caruana

Avec La main en visière, le Musée d’art moderne de Céret consacre une exposition d’envergure à Nicolas Daubanes, dont l’œuvre scrute inlassablement les zones de tension entre contrainte et liberté. En investissant les salles du premier étage, l’artiste déploie un ensemble d’œuvres où la matière devient le lieu d’une dramaturgie discrète mais saisissante, faite d’effritements, de résistances et de ruptures possibles. Il construit un récit dense et sensible qui interroge nos espaces de confinement autant que nos gestes d’émancipation. Une proposition forte que deux expositions parisiennes, au Panthéon et au Musée de l’Armée, prolongent à point nommé.

Avec le changement de saison, le musée d’art moderne de Céret ouvre ses cimaises pour cinq mois à l’artiste Nicolas Daubanes. Connu pour ses différentes expositions dans des lieux aussi emblématiques que le Palais de Tokyo, le Centre Pompidou-Metz, ou les Abattoirs de Toulouse, pensionnaire de la Villa Médicis d’où il est récemment sorti de résidence, l’artiste offre au musée de Céret une image de son parcours dans les salles du premier étage de ce musée incontournable. Lors du vernissage, faisant référence autant à ses débuts à Perpignan qu’à ses récents travaux exécutés à la villa Médicis, Daubanes a rendu compte de La main en visière, titre qu’il a donné à son exposition. Sa main en visière débusque les divers sujets qui jalonnent son travail singulier tous axés sur le thème de la résistance, de l’incarcération ou de la révolte.
L’exposition débute par une œuvre récente réalisée au cours de sa résidence à la villa Médicis. Bien que ce ne soit pas la première fois qu’il utilise le sucre et le béton dans ses œuvres, cette œuvre annonce et dénonce les sujets de belligérance par cette originalité technique, par les détournements de procédés et la variété des actes plastiques. Sabotage, peinture de guerre est une évocation des techniques de sabotage des résistants français durant la seconde guerre mondiale pendant la construction du Mur de l’Atlantique.
Cette conception d’exposition à rebours des dates de réalisation des œuvres, est d’autant plus pertinente que l’œuvre, simplement posée contre le mur à l’entrée, est la seule en couleurs, elle se veut image de mobilité du work in progress, un point d’apposition à tout l’ensemble de dessins suivants, suspendus aux murs, fixés et stables, état pourtant symboliquement contrarié par la fragilité apparente de la technique employée, de la poudre métallique. L’œuvre de béton est impactée par le sucre et renvoie non seulement au réel guerrier lors de la violence d’impact des balles mais aussi à des références picturales formelles comme celles de Cy Twombly, Untitled (Say Goodbye, Catullus, to the Shores of Asia Minor-1994), auxquelles la légèreté et la fragilité font un écho inévitablement contradictoire.

 
November 24, 2025
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